Paroles d’épicier : Laurent PATERNAULT, épicier à Chambéon (42)
Régulièrement, la Fédération des Epiciers de France met à l’honneur un de ses adhérents. On parle vision du métier, succès et difficultés, passion et innovation.
C’est au tour de Laurent Paternault de nous parler de l’épicerie en général, et de son épicerie en particulier.
Racontez-nous un peu votre parcours professionnel
Laurent Paternault : « j’ai 60 ans et j’ai fait la plus grande partie de ma carrière dans l’industrie.
Après 50 ans, il a fallu que je revois ma vie pro – ce fut subi et j’ai donc décidé de créer mon propre travail. Le projet s’est dessiné rapidement. En effet, ayant eu l’opportunité d’être élu local dans une petite ville de Haute Savoie, les projets de revitalisation du territoire m’intéressaient. Et j’en suis venu à ce concept d’épicerie multiservice à implanter dans les villages ruraux délaissés, sans activité commerciale ni poste ni bar.
J’ai eu une première expérience dans une épicerie en 2016 dans la Loire. Puis avec mon associée (qui est aussi ma compagne), nous avons eu envie de lancer notre activité et avons créé « Tout près de chez moi » : un concept avec la notion « de tout ou presque tout » dans un magasin et la notion de « tout près », dans la proximité, primordiale pour que cela puisse fonctionner. »
Quel est le Concept de Tout près de chez moi ?
L.P. : « Rassembler sous un même toit plusieurs activités : épicerie, services, petite restauration et bar où les gens peuvent se retrouver. Pour créer de l’animation comme sur une place du village pour le lien social.
L’épicerie : en proposant une offre qualitative, le plus large possible et accessible au plus grand nombre. Il faut éviter l’écueil de devenir une épicerie de dépannage où on ne trouve que quelques boites de conserve couvertes de poussières, et celui d’être une épicerie fine, qui marcherait en ville mais pas franchement en ruralité.
Il s’agit donc d’un positionnement large, qualitatif et au meilleur prix. On a réussi à implanter dans 40m² une fromagerie, une boucherie-charcuterie, un espace maraicher, une épicerie sèche salée et sucrée, une petite cave à vin, un coin cosmétiques & huiles essentiels, ainsi qu’une « poissonnerie » avec du poisson frais en fin de semaine.
L’offre de petite restauration : toujours en s’appuyant sur l’épicerie. C’est une offre « de l’épicerie à l’assiette » en optimisant les invendus, les produits proches de la DLC. C’est ainsi transformer de la perte potentielle en valeur en cuisinant ces produits en plats simples. Comme une table d’hôte, il n’y a pas de carte à proprement parlé mais une formule quotidienne entrée-plat-dessert à 12,50€ selon les produits disponibles dans l’épicerie.
Les services : la vente de bouteilles de gaz, de presse locale, de reproduction de clés et de réparation de chaussure en partenariat avec des commerçants de la ville voisine, ou encore du dépôt d’argent. On propose un panel très large de services et on fait le lien avec d’autres artisans. »
Vous avez donc des journées de 48 heures !
L.P. : « On n’en est pas loin ! Mais c’est gratifiant ! On a assisté assez rapidement à la redynamisation du tissu local : l’épicerie est devenu le lieu de rencontre où on échange, on prend des nouvelles. Et surtout on a tenté de faire passer les clients de l’épicerie au bar et inversement. Ce mix s’est fait et en ça on est devenu le centre du village, le lien quotidien avec des moments plus forts et intenses comme les fins de journée et les weekends. Surtout le dimanche matin. »
Cela fait 2 ans maintenant que vous êtes installés. Quels retours pouvez-vous faire sur votre activité ?
L.P. : « Nous avons en effet clôturé notre 2ème exercice. Ce dernier est à l’équilibre et prouve que le concept est viable. On a fait un peu plus de 200 000€ de CA. Le ticket moyen tourne autour d’une dizaine d’euros et on fait environ 60-70 tickets jour (à pondérer selon les saisons). On constate régulièrement des tickets à plus de 50€ grâce à une clientèle fidèle qui fait toute ses courses de produits frais chez nous.
On a pensé à la zone de chalandise en s’installant dans un village de 550 habitants dans la Loire (limite inférieure pour s’implanter). Mais on compte les 3 villages alentours : cela représente 500 foyers à 5 min en voiture / à pied / à vélo. Si c’était plus loin, les gens seraient tentés d’aller directement dans la grande surface du coin.
- Sur une zone de chalandise de 1500 / 1700 habitants, l’idéal est de capter un foyer sur 2 avec un panier de 15-20€ / semaine. C’est viable pour payer les charges fixes et les salaires. Actuellement on est à 1.5 ETP avec la possibilité de monter à 2. Mais on reste prudent.
C’est un métier prenant, on ne compte pas ses heures mais on a créé une activité pérenne avec tous les bons côtés que représentent le lien social, l’aide au personne, le sens du service, la fidélité des clients. »
D’ailleurs, quelle est votre recette pour fidéliser vos clients ?
L.P. : « La fidélité ça se travaille et on a su proposer des produits de qualité à prix très bien placés. Cela suppose de faire un travail approfondi de sourcing et de référencement.
Je définirai ce sourcing en 3 grandes catégories de fournisseurs/producteurs :
- Le frais
- Fruits et légumes / maraichers locaux,
- Viandes et charcuteries (trouver le bon partenaire capable d’emballer sous vide),
- et les producteurs de fromages locaux bien sûr.
- Les produits locaux régionaux à DLC plus longues : bocaux et conserves qualitatives.
- Des distributeurs pour compléter la gamme comme les bananes ou les oranges, ou le fond de rayon de l’épicerie plus traditionnelle via des produits de grandes marques qui peuvent rassurer certains clients. Mais on en a de moins en moins puisqu’on incite nos clients à se reporter sur d’autres produits équivalents mais locaux ou bio ou plus gustatif. Notre rôle est aussi d’accompagner le consommateur vers du produit plus local, plus quali au même prix. Par exemple, j’ai référencé une huile exceptionnel d’un producteur toulousain à 3,50€ / litre.
Même si les grandes surfaces commencent à avoir une offre bio, les consommateurs sont toujours un peu suspicieux sur la provenance. Et ils préfèrent se tourner vers une épicerie comme la nôtre lorsqu’ils le peuvent. »
Avez-vous suivi une formation spécifique ?
L.P. : « J’ai suivi les 2 formations obligatoires :
– HACCP -Hygiène, sécurité et traçabilité pour connaître les grands principes de la DLC, de la chaine du froid, du plan sanitaire ;
– le permis d’exploitation car nous gérons un rayon alcool et un bar sous Licence IV.
En tout cas, pour ceux qui ont envie, c’est un métier accessible. Idéal pour les citadins en manque de liberté professionnelle. Il y a bien sûr le côté sympa de la vente et de l’humain mais il ne faut pas compter ses heures afin de gérer toutes les autres tâches plus fastidieuses comme l’approvisionnement, la manutention, la gestion, ect.
Ce métier offre des opportunités intéressantes et je recommande vraiment d’être accompagné pour éviter les erreurs classiques et aller plus vite en appliquant tout de suite les choses qui marchent (par exemple : le bon outil de caisse et de gestion des stocks est indispensable)
La Fédération peut être un bon accompagnateur car les épiciers sont souvent seuls. Rejoindre un réseau permet d’avoir les bons outils, les bons contacts et de partager les bonnes pratiques. »
Vous êtes intéressé par le concept Tout près de chez moi ? Vous souhaitez en savoir plus ? Contactez Laurent PATERNAULT au 0624 70 14 04 ou par mail laurent@toutpresdechezmoi.fr