Droit à la formation : votre obligation d’informer les nouveaux salariés

 

L’employeur est soumis à certaines obligations légales en matière de formation, définies par le code du Travail. Depuis le 1er novembre 2023, ce « droit à la formation » du salarié doit lui être notifié lors de son embauche. Sous quelles modalités ? Dans quels délais ? Quels sont les risques en cas d’oubli ? Tout en répondant à ces questions, nous rappelons le contenu du « droit à la formation » et soulignons le bénéfice que le responsable formation ou le DRH peut retirer de cette nouvelle obligation.

 

Information sur le droit à la formation : un mois maximum après l’embauche

Au moment de signer un contrat de travail, l’employeur doit désormais remettre un certain nombre d’informations au salarié. La liste vient d’en être établie par un décret du 30 octobre 2023. Elle contient, parmi d’autres éléments, « Le droit à la formation assuré par l’employeur conformément à l’article L. 6321-1 ».

Pour la plupart, les autres obligations d’information contenues dans le décret étaient déjà en vigueur. L’information sur le droit à la formation, en revanche, est bien nouvelle. Elle est distincte de l’obligation d’informer les nouveaux salariés de leur droit à l’entretien professionnel bisannuel.

 

Notifier le droit à la formation : quel contenu ?

Selon le décret, l’information « peut prendre la forme d’un renvoi aux dispositions législatives et réglementaires ou aux stipulations conventionnelles applicables. » Il n’est donc pas obligatoire de détailler les différents aspects du droit à la formation.

Le salarié doit cependant pouvoir trouver facilement les informations. Le document doit donc faire référence explicite à l’article L. 6321-1 cité dans le décret, mais aussi, vraisemblablement, à l’ensemble du Livre III de la 6e partie du code du Travail, consacré à la formation professionnelle. S’y ajoutent les articles pertinents de la convention collective qui s’applique au salarié.

Le décret annonce par ailleurs qu’un arrêté du ministère du Travail proposera des modèles de documents, qui permettront de s’assurer que l’on est bien en conformité avec l’esprit du décret.

 

Sous quelle forme ?

Il doit s’agir d’un document écrit. Par défaut, il doit être délivré « sous format papier, par tout moyen conférant date certaine ».

Il est aussi possible d’envoyer l’information uniquement sous format électronique, mais il faut alors s’assurer que le salarié soit équipé pour la recevoir. Le document doit également pouvoir être enregistré et imprimé (de préférence un fichier de type word ou pdf, donc, plutôt qu’un mail). Par ailleurs, l’employeur doit impérativement conserver un justificatif « de la transmission ou de la réception de ces informations ». Cela suppose par exemple d’archiver le mail d’envoi pendant toute la durée du contrat.

 

Dans quels délais ?

Le document doit être envoyé dans le mois qui suit la date de l’embauche.

 

 

Qu’est-ce que le « droit à la formation » ?

Le décret se réfère à l’article L6321-1, qui établit l’obligation, pour l’employeur, d’assurer « l’adaptation des salariés à leur poste de travail » et de concourir au « maintien de leur capacité à occuper un emploi » dans un contexte d’évolution rapide des technologies et du marché du travail.

Cette obligation peut être remplie via le déploiement d’actions de formation visant « au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme ». L’employeur, une fois qu’il a recruté un salarié, ne peut pas lui reprocher de ne pas détenir certaines compétences de base : en cas de besoin, il doit l’aider à les développer. L’article L6321-1 fait expressément référence au certificat afférent au « socle de connaissances et de compétences », ou Cléa.

L’article mentionne enfin le plan de développement des compétences (anciennement appelé plan de formation), qui n’est pas obligatoire mais qui apparaît comme l’outil recommandé pour présenter « les actions de formation mises en œuvre » par l’entreprise dans ces objectifs. Le texte précise également que ces formations peuvent conduire à des certifications totales ou partielles (blocs de compétences).

Au sens étroit, le « droit à la formation » mentionné dans le décret renvoie donc à ces seuls éléments. Mais il est possible que dans l’esprit de ses auteurs, le texte envisage que le salarié soit informé ou au moins aiguillé sur l’ensemble de ses droits en matière de formation, qui incluent au moins :

  • l’entretien professionnel bisannuel;
  • le droit à au moins une formation tous les 6 ans;
  • le droit à certaines formations obligatoires;
  • l’accès au congé de formation économique et social et aux formations associées;
  • le bénéfice du Compte personnel de formation et les possibilités d’abondement éventuellement prévues dans l’entreprise;
  • l’accès au Conseil en évolution professionnelle.

 

 

Quels risques en cas d’oubli ?

Ni le décret, ni le texte de la loi du 9 mars 2023 qui le fonde ne prévoient de sanctions spécifiques pour l’absence de notification du droit à la formation.

Cependant, dans le cadre d’un litige du travail, il est vraisemblable que cette négligence pourra être retenue contre l’employeur.

La loi du 9 mars 2023, qui fixait le principe des informations obligatoires à communiquer au moment de l’embauche, précise que le salarié ne peut pas saisir les prud’hommes pour obtenir les documents non remis que s’il a préalablement « mis en demeure son employeur » de les lui communiquer. Il s’agit ici probablement de protéger les employeurs contre des actions en justice abusives, en particulier si peu de temps après l’entrée en vigueur de l’obligation.

 

 

L’obligation d’information : pourquoi ?

Cette nouvelle obligation est la conséquence d’une directive adoptée par le Parlement européen et le Conseil le 20 juin 2019, « relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne ». Ce texte est venu remplacer une directive plus ancienne, remontant au 14 octobre 1991, relative à l’obligation d’information des salariés par l’employeur.

L’article 2 de la directive de 1991 prévoyait 10 catégories d’informations obligatoires à délivrer au salarié au moment de son embauche. À l’époque, le législateur avait estimé que ces obligations étaient déjà remplies dans le droit français, notamment via la déclaration préalable à l’embauche et le bulletin de salaire.

La directive du 20 juin 2019, dans son article 4, prévoit désormais 15 informations obligatoires. Parmi les nouvelles venues figure « le droit à la formation octroyé par l’employeur, le cas échéant ». Le droit du Travail ne prévoyait pas cette obligation d’information. La loi du 9 mars 2023 est venue corriger (avec quelque retard) cette lacune, comme expliqué dans l’exposé des motifs des articles 15 et 16 du projet de loi.

 

 

Une opportunité pour le responsable formation

Cette nouvelle obligation vient, certes, ajouter une tâche supplémentaire à l’employeur et en particulier au DRH, avec le risque de conformité afférent. Il peut donc être tentant d’attendre simplement la publication de l’arrêté afin de mettre à jour le processus de génération des contrats en incluant un nouveau document-type. Face à la complexité croissante des tâches du DRH, c’est une façon de faire parfaitement valide et compréhensible.

Pour autant, il peut être intéressant, comme à chaque fois qu’une nouvelle contrainte réglementaire est créée, de se demander si elle ne peut pas être mise à profit pour enrichir la politique RH et formation de l’entreprise.

Si l’entreprise a déjà mis en place, dans le cadre du processus d’onboarding, un point sur les droits et opportunités des salariés en matière de formation, il n’y a peut-être pas grand-chose à faire pour se mettre en conformité : simplement, vérifier que les informations réglementaires sont bien présentes, que la communication de l’information est tracée et qu’elle intervient bien dans le délai d’un mois.

Si la formation ne figure pas parmi les points abordés lors du processus d’intégration de l’ensemble des salariés, c’est l’occasion de réparer cette lacune et de valoriser la politique de l’entreprise en la matière !

L’accès à la formation et au développement continu des compétences fait partie des leviers de performance de l’entreprise apprenante. L’obligation d’informer les salariés sur leur droit à la formation peut être l’occasion de mettre un processus sur une bonne intention préexistante. C’est aussi un moyen supplémentaire, pour le responsable de la formation, de valoriser son rôle et son expertise

 

Source : www.managementdelaformation.fr

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